Les 7 Parnassiens, célèbre cinéma indépendant est totalement investi par Nuit Blanche et accueille une programmation composée d’œuvres vidéos et une exposition.
Le geste symbolique de déplacer des œuvres vidéo habituellement exposées dans des galeries ou des espaces d’exposition vers les salles de cinéma réinterroge le lieu de diffusion et d’expression de l’art et offre un nouveau regard sur les créations.
La sélection rassemble des témoignages visuels et sonores de la résistance sous toutes ses formes. Face à un monde carcéral, elles résonnent comme des hymnes à la lucidité, à la décroissance, comme des appels à repenser notre rapport à l’environnement et à la société. Par leur poésie et leur puissance visuelle, ces œuvres offrent une réflexion sur ces enjeux contemporains, tout en invitant le public à une expérience cinématographique inédite, mêlant art, activisme et méditation. Dans ces salles obscures, la lumière jaillit de l’art qui vient précisément éclairer le noir et lui apporter une vérité nouvelle. Sont à découvrir des œuvres vidéos d’Alice Brygo, Clément Cogitore, Anne-Charlotte Finel, Tao Hui, Valérie Mréjen, Emily Richardson, entre autres. À ces projections s’ajoutent une exposition de l’artiste Cécile Bicler, une série de six dessins puzzles aux crayons de couleurs extraits du film Massacre à la tronçonneuse (1974) de Tobe Hooper, et le travail scénographique de Gaëlle Usandivaras.
« Des images tourbillonnaient devant mes yeux, des centaines d’images, des fragments… » Stephen King, Rage.
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Sans titre, muet, 23 min, 2001
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Salles obscures, sonore, 4 min 39 s, 2001
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Kane, sonore, 17 min, 2003
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Music, muet, 10 min, 2004
Des vidéos de found footage montées à partir de compilations d’extraits de films d’horreur collectionnés par l’artiste.
Cécile Bicler décortique les films d’horreur et les démembre ensuite, afin de se servir comme elle l’entend des fragments obtenus : elle tente un assemblage de bouts, crée un nouveau corps. Elle incise la fiction, en détache des « morceaux de choix ». Sa démarche artistique depuis quelques années est de réhabiliter la peur comme outil politique de prise de conscience, d’attention à soi et au monde, de réveil. Regarder ses peurs en face pour mieux s’en affranchir en les traversant.
Durée de la projection : 54 min 39 s
▶ La colonisation de la nature par l'homme
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Anne-Charlotte Finel, Jardins, 2017, de la série “Jardins”, musique de Voiski, 6 min 18s, 2017 - Oeuvre issue du Fonds d’Art Contemporain - Paris Collections
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Ya-Hui Wang, Tropical work : snowman, 4 min 32 s, 2008 - Oeuvre issue du Fonds d’Art Contemporain - Paris Collections
Ces trois œuvres vidéos interrogent notre rapport à la nature et à ce qui nous constitue. Dans
Aspect, Emily Richardson utilise le time-lapse pour condenser un an d’observations en neuf minutes. La forêt y apparaît comme un être vivant, en perpétuelle transformation. Ce travail minutieux révèle l’imperceptible et souligne la vitalité d’un environnement que nous fragilisons chaque jour. Avec
Jardins,
Anne-Charlotte Finel explore une jungle insoupçonnée dans les sous-sols du métro. La nature, reléguée dans l’ombre, se réinvente malgré la bétonisation. Les lumières fugaces des trains dévoilent une végétation résistante, un combat entre l’Homme et l’environnement. Enfin,
Tropical Work : Snowman de
Ya-Hui Wang met en scène un bonhomme de neige dans les paysages tropicaux de Taïwan. Transporté et façonné par l’artiste, il incarne la disparition et la fragilité de notre monde. Une performance qui interroge notre rôle dans l’effacement du vivant.
Durée de la projection : 26 min 50 s
▶ Émanciper la reproduction sociale
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Tao Hui, The Dusk of Teheran, 5 min, 2014 - Œuvre issue de la collection de la Fondation Louis Vuitton
Dans
The Dusk of Tehran, Tao Hui met en scène une femme iranienne en robe de mariée exprimant son malheur : son succès artistique a sacrifié ses rêves personnels. Inspiré d’Anita Mui, ce monologue transpose un dilemme universel : l’amour face aux contraintes sociales. Par cette image, l’artiste détourne le symbole du mariage en métaphore d’oppression dans une société patriarcale. Avec
Une noix,
Valérie Mréjen explore la dynamique mère-fille et la résistance à l’autorité. La fillette refuse l’intervention de sa mère, affirmant son indépendance. Ce face-à-face révèle l’ambivalence du contrôle maternel et questionne la manière dont la parole féminine est entendue ou interrompue. Enfin,
Ana Vega prolonge cette réflexion à travers l’intersection des conditions du travail artistique et parental.
Preparing for free time met en scène une figure sommaire esquissée à la ligne udon assise à son bureau face à deux écrans, concentrée, branchée à un tire-lait. Les deux activités se superposent, les deux constituent du travail invisibilisé peinant à être reconnu institutionnellement comme tel.
Durée de la projection : 21 min 24 s
▶ Le feu de la désolation, la flamme de l’espoir
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Clément Cogitore, Burning cities, 5 min, 2009 - Oeuvre issue du Fonds d’Art Contemporain - Paris Collections
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Alice Brygo, Le Mal des Ardents, 16 min 12 s, 2022 - Oeuvre issue du Fonds d’Art Contemporain - Paris Collections
Dans
Burning Cities de
Clément Cogitore, les flammes dévorent les villes, symbolisant un chaos implacable où chaque incendie semble briser l’ordre établi. Cependant, au cœur de cette destruction, le feu incarne aussi une forme de résistance. Fragile mais persistante, la flamme défie l’obscurité et l’effondrement, symbolisant un renouveau. Cette œuvre nous invite à voir le feu non comme la fin, mais comme une étincelle de rébellion. Dans
Le mal des ardents,
Alice Brygo a recréé en images de synthèse les réactions de la foule qu’elle avait pu observer lors de l’incendie. Les visages sont envahis par une angoisse palpable, tandis que la source du danger, le feu, reste toujours absente de l’image. L’accompagnement sonore immersif renforce l’atmosphère de psychose, suscitant un contexte propice à la montée du nationalisme et à la radicalisation identitaire, des sentiments qui se diffusent en toile de fond.
Durée de la projection : 21 min 12 s
▶ Résister face à l’aliénation de notre condition moderne
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Klara Liden, Moonwalk, 3 min 43 s, 2008 - Œuvre issue de la collection de la Fondation Louis Vuitton
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Taus Makhacheva, Endeavour, Dagestan, 9 min, 2010 - Œuvre issue de la collection de la Fondation Louis Vuitton
Cette série de vidéos illustre l’aliénation de l’Homme face à un monde du travail avide. Dans
Sisyphe,
Driss Aroussi rencontre un homme qui extrait des pierres dans le désert, méditant sur la vie et la mort. Ce mythe de Sisyphe, celui de l’Homme confronté à la vanité de sa condition, est repris dans la vidéo de Taus Makhacheva où l’Homme, malgré son effort inlassable, semble refléter l’absurde ou l’espoir, entre impuissance et persévérance.
Moonwalk de Klara Linden s’inscrit comme une pause contemplative, offrant une réflexion sur la trajectoire itérative de l’existence humaine. La silhouette, marchant à reculons contre le rythme des voitures, invite à la décélération et à la résistance, non pas en tournant le dos, mais en faisant face. Ce geste de recul devient un acte de résistance contre la monotonie du quotidien, en harmonie avec la vidéo de Makhacheva, oscillant entre l’aliénation et l’espoir.
Durée de la projection : 24 min 43 s
▶ Saturation et subversion, l’image à la dérive
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Clément Cogitore, The Evil Eye, 14 min 45 s, 2018 - Œuvre issue de la collection de la Fondation Louis Vuitton
Face à l’invasion des images banalisées, Clément Cogitore répond par une puissance visuelle et une narration proche du fantastique. Dans The Evil Eye, il détourne des images promotionnelles génériques pour en faire une expérience immersive. Des clichés stéréotypés, extraits de banques d’images publicitaires et politiques, sont traversés par une voix féminine appelant désespérément un être cher. Projetées sur un écran, ces images envahissent l’espace, créant une atmosphère intime et oppressante. La tension lumineuse génère une vision dystopique, où sourires figés et beautés artificielles deviennent des instruments de manipulation et de consommation. La voix féminine, oscillant entre prophétie et supplication, incarne un matérialisme avide et dévorant. Le spectateur est absorbé et désorienté par cette « boîte optique », suggérant la dissolution des repères dans un monde saturé d’images. La vidéo devient un cri d’alerte face à la surconsommation visuelle et interroge nos individualités et nos choix.
Durée de la projection : 14 min 45 s
Video screenings and exhibition at 7 Parnassiens
Completely taken over by Nuit Blanche, the famous independent cinema Les 7 Parnassiens hosts a program of video artworks and an exhibition. The symbolic gesture of moving video artworks usually exhibited in galleries or exhibition contexts to movie theaters reinterprets the space where art is disseminated and expressed, and offers a new perspective on the creations. The selection brings together visual and audio testimonies to resistance in all its forms. In the face of a prison world, they sound like hymns to lucidity, to degrowth, like calls to rethink our relationship with the environment and society. Through their poetry and their visual power, these works offer a reflection on contemporary issues, while inviting the public to a new cinematographic experience, mixing art, activism and meditation. In these darkened rooms, light springs from art, illuminating the darkness and bringing it a new truth. These screenings are complemented by an exhibition by artist Cécile Bicler, a series of six colored-pencil puzzle drawings from Tobe Hooper's 1974 film “Massacre à la tronçonneuse”, and scenographic work by Gaëlle Usandivaras.
“Images swirled before my eyes, hundreds of images, fragments…”
Sans titre, muet, 23 min, 2001
Salles obscures, sonore, 4 min 39s, 2001
Kane, sonore, 17 min, 2003
Music, muet, 10 min, 2004
Found footage videos edited from compilations of horror film extracts collected by the artist. Cécile Bicler deconstructs horror films and then dismembers them, using the fragments as she sees fit : she attempts an assembly of bits and pieces, creating a new body. She incises fiction, detaching “choice morsel”. Her artistic approach over the last few years has been to rehabilitate fear as a political tool for awareness, for paying attention to oneself and the world, for awakening. Face up to your fears, and free yourself from them.
Running time: 54 min 39 s
▶ La colonisation de la nature par l’homme
Emily Richardson, Aspect, 16 min, 2004 - Œuvre issue de la Collection d’entreprise Neuflize OBC
Anne-Charlotte Finel, Jardins, 2017, de la série “Jardins”, musique de Voiski 6 min 18 s, 2017 - Oeuvre issue du Fonds d’Art Contemporain - Paris Collections
Ya-Hui Wang, Tropical work : snowman, 4 min 32 s, 2008 - Oeuvre issue du Fonds d’Art Contemporain - Paris Collections
These three video works question our relationship with nature and what constitutes us. In Aspect, Emily Richardson uses time-lapse to condense a year of observations into nine minutes. The forest appears as a living being in perpetual transformation. This meticulous work reveals the imperceptible and underlines the vitality of an environment that we weaken every day.
With Jardins, Anne-Charlotte Finel explores an unsuspected jungle in the basement of the metro. Nature, relegated to the shadows, reinvents itself in spite of concrete encroachment. The fleeting lights of trains reveal a resilient vegetation, a battle between Man and the environment.
Finally, Tropical Work: Snowman by Ya-Hui Wang features a snowman in the tropical landscapes of Taiwan. Transported and shaped by the artist, he embodies the disappearance and fragility of our world. A performance that questions our role in the erasure of living things.
Running time: 26 min 50 s
▶ Émanciper la reproduction sociale
Tao Hui, The Dusk of Teheran, 5 min, 2014 - Œuvre issue de la Collection de la Fondation Louis Vuitton
Valérie Mréjen, Une noix, 1 min 24 s, 1997 - Œuvre issue de la Collection d’entreprise Neuflize OBC
Ana Vega, Preparing for free time, 15 min, 2025
In The Dusk of Teheran, Tao Hui directs an Iranian woman in a wedding dress expressing her unhappiness: her artistic success has sacrificed her personal dreams. Inspired by Anita Mui, this monologue transposes a universal dilemma : love in the face of social constraints. With this image, the artist turns the symbol of marriage into a metaphor for oppression in a patriarchal society.
With Une noix, Valérie Mréjen explores the mother-daughter dynamic and resistance to authority. The little girl refuses her mother's intervention, asserting her independence. This face-to-face encounter reveals the ambivalence of maternal control and questions the way in which female speech is heard or interrupted.
Finally, Ana Vega extends this reflection through the intersection of artistic and parental working conditions. Preparing for free time features a roughly sketched, line-drawn figure, sitting at her desk in front of two screens, concentrated, connected to a breast pump. The two activities overlap, the two constitute invisibilized work struggling to be institutionally recognized as such.
Screening time: 21 min 24 s
▶ Le feu de la désolation, la flamme de l’espoir
Clément Cogitore, Burning cities, 5 min, 2009 - Oeuvre issue du Fonds d’Art Contemporain - Paris Collections
Alice Brygo, Le Mal des Ardents, 16 min 12 s, 2022 - Oeuvre issue du Fonds d’Art Contemporain - Paris Collections
In Clément Cogitore's Burning Cities, flames devour cities, symbolizing a relentless chaos where every fire seems to shatter the established order. However, at the heart of this destruction, fire also embodies a form of resistance. Fragile yet persistent, the flame defies darkness and collapse, symbolizing renewal. This work invites us to see fire not as the end, but as a spark of rebellion.
In Le mal des ardents, Alice Brygo has recreated, by computer-generated images, the crowd reactions she had observed during a fire. Faces are overwhelmed by palpable anguish, while the source of the danger - the fire – remains ever absent from the image. The immersive soundtrack reinforces the atmosphere of psychosis, creating a context conducive to the rise of nationalism and to the radicalization of identity, feelings that are diffused in the backdrop.
Running time: 21 min 12 s
▶ Résister face à l’aliénation de notre condition moderne
Driss Aroussi, Sisyphe, 12 min, 2017-2018 - Œuvre issue de la Collection d’entreprise Neuflize OBC
Klara Liden, Moonwalk, 3 min 43 s, 2008 - Œuvre issue de la Collection de la Fondation Louis Vuitton
Taus Makhacheva, Endeavour, Dagestan, 9 min, 2010 - Œuvre issue de la Collection de la Fondation Louis Vuitton
This series of videos illustrates man's alienation from a greedy world of work. In Sisyphe, Driss Aroussi encounters a man extracting stones in the desert, meditating on life and death. The myth of Sisyphus, that of Man confronted with the vanity of its condition, is taken up again in Taus Makhacheva's video where Man, despite his tireless effort, seems to reflect the absurd or hope, between impotence and perseverance.
Klara Linden's Moonwalk is a contemplative pause, offering a reflection on the iterative trajectory of human existence. The silhouette, walking backwards against the rhythm of the cars, invites deceleration and resistance, not by turning its back, but by facing up.
This gesture of retreat becomes an act of resistance against the monotony of everyday life, in harmony with Makhacheva's video, oscillating between alienation and hope.
Running time: 24 min 43 s
▶ Saturation et subversion, l’image à la dérive
Clément Cogitore, The Evil Eye, 14 min 45 s, 2017 - 2018- Œuvre issue de la Collection de la Fondation Louis Vuitton
Faced with the invasion of normalized images, Clément Cogitore responds with visual impact and a storytelling close to fantastic. In The Evil Eye, he diverts generic promotional images to turn them into an immersive experience. Stereotyped clichés, excerpts from advertising and political image banks, are traversed by a female voice desperately calling a loved one. Projected on a screen, these images invade space, creating an intimate and oppressive atmosphere. The light tension generates a dystopian vision, where fixed smiles and artificial beauties become instruments of manipulation and consumption. The female voice, oscillating between prophecy and supplication, embodies a greedy and devouring materialism. The viewer is absorbed and disoriented by this "optical box", suggesting the dissolution of landmarks in a world saturated with images. Video becomes a cry for help in the face of visual overconsumption and questions our individuality and our choices.
Projection time: 14 min 45 s
Location: les 7 Parnassiens - 16 rue Delambre Paris 14e